
Après avoir haussé deux fois la rémunération des éducatrices en milieu familial en quelques mois, puis augmenté le salaire des éducatrices des CPE en pleine négociation, le gouvernement annonce la création de 37 000 nouvelles places subventionnées… d’ici quatre ans.
Quatre ans. Le temps que ça prend entre la fin d’un congé de maternité pour le petit dernier et l’entrée à la maternelle. Ce n’est probablement pas le délait qu’on a généralement en tête quand quelqu’un nous dit vouloir régler un problème « au plus sacrant », comme l’a assuré le premier ministre.
On pourrait boucher une grosse partie du trou pas mal plus vite.
Le réseau des garderies du Québec compte un peu moins de 310 000 places. Ça inclut 100 000 places en CPE, 48 000 places en garderies privées subventionnées, et 70 000 places en garderies privées non subventionnée. Le reste est en milieu familial, subventionné aussi.
Les garderies privées non subventionnées représentent donc une place sur quatre. Entre 10 000 et 20 000 de ces places seraient libres maintenant.
Pourquoi des places libres, alors que 50 000 parents attendent une place en garderie? Parce que les places non subventionnées coûtent cher. Au lieu des 8,50 $ par jour payés pour une place subventionnée, ça peut être 50 $, 60 $, parfois plus. Même en tenant compte du crédit d’impôt versé par le gouvernement, la facture annuelle peut être jusqu’à 5000 $ plus élevée, pour chaque enfant.
Alors certains parents s’arrangent autrement. Parfois, ils c’est avec l’entourage, quand c’est possible. Parfois, ils retardent un retour au travail ou aux études.
Le gouvernement veut mettre réduire l’écart entre les places subventionnées et non subventionnées en augmentant le crédit d’impôts pour les parents qui ont des enfants au privé non subventionné.
Il existe une meilleure solution, plus simple, et plus équitable pour les parents et les éducatrices des garderies privées : on pourrait subventionner toutes les places en garderie privée qui ne le sont pas encore, demain matin.
La condition essentielle pour les propriétaires de garderie seraient qu’ils haussent les salaires des éducatrices au même niveau que ceux en garderie subventionnée. (Un crédit d’impôt plus élevé n’encourage pas directement ça.)
Avantageux, équitable… et rentable
Subventionner toutes les places privées dès maintenant, au lieu de les « convertir » – un processus bureaucratique qui peut prendre des mois, voire des années – aurait plusieurs avantages. Le premier avantage est que ça aiderait tout de suite des parents qui attendent une place (ou plusieurs) afin de pouvoir retourner travailler.
Le second est que ça améliorerait les conditions des éducatrices qui travaillent au privé non subventionné. Présentement, elles subissent une discrimination totalement injustifiée : même travail, salaire moindre, simplement parce que des gouvernements successifs ont décidé qu’un programme universel était rationné et réservé aux parents et aux éducatrices chanceuses.
Le troisième avantage est que ça ramènerait sans doute des éducatrices qui ont déserté, lasses de travailler au salaire minimum ou juste au-dessus, en pleine pandémie, avec des bambins non vaccinés.
Le quatrième est que ça réglerait une iniquité majeure du programme des garderies. Tous les parents dont les enfants fréquentent des services de garde paient les mêmes taxes et les mêmes impôts au même gouvernement. Sauf qu’une partie de ces parents doit encore payer sa place, après avoir payé en plus celle des autres.
Un cinquième avantage est que ça serait équitable pour des entrepreneures – souvent des femmes – qui ont ouvert une garderie privée pour répondre à la demande des parents, et qui voient ensuite le gouvernement ouvrir un CPE à côté de leur garderie et leur enlever leur gagne-pain. On peut favoriser le développement des CPE dans le futur sans pour autant exproprier des gens qui ont investi en toute bonne foi.
Un sixième avantage est qu’en permettant à des jeunes mères de retourner sur le marché du travail, on aiderait des entreprises qui manquent cruellement de main d’œuvre, partout au Québec.
Un septième avantage, pour l’État celui-là, est que ces entreprises et ces employeurs pourraient ensuite payer plus d’impôts. Les garderies subventionnées sont en effet un rare programme gouvernemental qui se paie tout seul, et même plus. Des économistes d’ici et d’ailleurs l’ont montré, incluant le récipiendaire d’un prix Nobel. De ce seul point de vue, ne pas encore avoir subventionné toutes les places après 25 ans est tout simplement… niaiseux.
Un dernier avantage est que ça serait plus juste et plus équitable pour tout le monde, les femmes en premier.
Vingt ans d’occasions manquées
Même si la pénurie de places subventionnées est plus grave aujourd’hui, les avantages de la résoudre sont connus depuis longtemps. Tous les gouvernements depuis 20 ans sont coupables de pas avoir réglé le problème quand qu’ils en ont eu l’occasion, quand ils ne l’ont pas empiré.
Le PLQ a profité de ses quinze ans au pouvoir pour rendre le réseau complètement dysfonctionnel. Si j’étais critique en matière familiale à l’opposition officielle et que je représentais la circonscription de Tony Tomassi, je me garderais une petite gêne avant de casser du sucre sur l’actuel ministre de la Famille.
Le PLQ a récemment promis un « droit » à une place, ce qui est l’équivalent de mettre un numéro de porte sur un terrain vacant en espérant que la maison se construise d’elle-même. Le droit de l’enfant à sa protection est aussi reconnu par la Charte québécoise, et ça n’aide pas plus les milliers d’enfants qui attendent de l’aide de la DPJ. On pourra ajouter tous les droits qu’on veut, ça ne créera pas de places.
Le PQ a eu une fenêtre d’un an et demi, sous Pauline Marois (entre 2012 et 2014), pour subventionner les places qui ne l’étaient pas, mais il reste encore figé aujourd’hui sur le seul modèle qui trouve grâce à ses yeux, celui des CPE. Personne n’est contre les CPE, mais le réseau existe depuis 1997, et il est encore incomplet : les premiers poupons des CPE ont eu le temps d’avoir des enfants et de les voir poireauter eux aussi sur une liste d’attente.
À la fin des années 60, le Québec avait mis en place le réseau des cégeps en quelques mois. Quelque chose s’est manifestement perdu en chemin…
Le gouvernement de la CAQ, lui, a ouvert de nouvelles voies d’eau dans le bateau en fonçant tête baissée dans les maternelles quatre ans, qui recrutent dans le même bassin d’employés que les garderies, avec un résultat prévisible.
Il a ensuite regardé le bateau couler et attendu que la crise ait atteint un niveau sans précédent avant de s’y attaquer pas trop vite, y’a pas de presse. Au pas de tortue bureaucratique actuel, ça va prendre 40 ans avant que les 70 000 places subventionnées soient converties. Et, quand le fédéral avait annoncé l’hiver dernier une pluie de milliards pour les provinces, François Legault trouvait que c’était plus important de rembourser la dette que d’aider les parents mal pris.
Le récent réveil est bienvenu, mais disons seulement que ça n’a pas été naturel.
Accepter une solution imparfaite
Pendant que les politiciens et que les fonctionnaires du ministère de la Famille dessinent sur le sable leur modèle idéal selon leur idéologie respective, des parents désespèrent. Ce qu’ils veulent, c’est une place pour leur enfant, maintenant.
Oui, la qualité des services dans le privé non subventionné n’est pas toujours aussi bonne. Ce n’est pas étonnant : on demande de fournir les mêmes services, mais avec de moindres moyens (et salaires). Il n’y a pas de miracle à faire. Les garderies privées font ce qu’elles peuvent avec le roulement de personnel qu’elles ont, en servant presque de club-école pour les CPE et les garderies privées. N’empêche, comme des milliers de parents et des fonctionnaires du ministère de la Famille le savent, il existe d’excellentes garderies privées, même parmi les non-subventionnées. Sauf qu’elles doivent se battre avec une main attachée dans le dos.
Les garderies privées subventionnées font du profit, vous dites? Si, avec les mêmes revenus qu’au public, des entrepreneurs réussissent à faire des profits, alors que le public engendre des déficits, j’aurais tendance à poser des questions du côté de la gestion publique, plutôt que de remettre en cause celle au privé…
En tous les cas, on pourrait faire comme avec les CHSLD privés conventionnés : ils sont soumis aux mêmes normes que les établissements publics, doivent payer les mêmes salaires à leurs employés, et ne peuvent faire de profit sur les heures consacrées aux soins (les surplus inutilisés sont retournés au gouvernement). Les profits des CHSLD privés conventionnés viennent d’une meilleure gestion et, à coût égal pour l’État, la qualité des services offerts est généralement meilleure, selon les propres données du gouvernement, qui ne s’en vante pas. Qui est contre ça?
Commençons d’abord par subventionner toutes les places existantes maintenant, on remplira les petites cases plus tard.
Les mères qui attendent de retourner travailler sont plus intéressées d’avoir une place « au plus sacrant », pour reprendre les mots du premier ministre, que par une guerre idéologique.
Je conclus en reprenant les mots de Myriam Lapointe-Gagnon, instigatrice du mouvement #MaPlaceAuTravail, qui regroupe des milliers de familles abandonnées par nos politiciens au fil des années :
« (…) tant et aussi longtemps que toutes les familles qui le désirent n’auront pas accès à une place subventionnée en service de garde, on ne [pourra] aspirer à une réelle égalité hommes-femmes au sein de notre société. »
Subventionner toutes les places qui ne le sont pas encore ne réglera pas tous les problèmes, mais ça va au moins nous rapprocher un peu plus de la solution.
-30-
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Catégories :Famille
Voilà exactement la réalité que nous vivons dans les garderies privées non subventionnées. J’espère que cet article s’est rendu devant notre ministre de la famille et notre premier ministre et qu’ils s’en inspireront rapidement. Merci beaucoup.
Plaisir, on fait ce qu’on peut!
Je fais partie des parents qui ont confié leurs enfants à une garderie privée non subventionnée, après un déménagement qui nous forcé à quitter un CPE
Pour notre part, c’était tellement formidable qu’on a laissé passer quand on nous a finalement offert une place subventionnée!
On pouvait se le permettre même si c’était plus cher, mais je reste très sensible au sort des parents pour qui ça ajoute un sacrifice, et aussi au sort des entrepreneures derrière les garderies privées.
Elles font leur possible, on compte beaucoup sur elles, mais maudit qu’on ne les aide pas beaucoup…
Good day Mr. Déry,
I like your article – Garderies : comment ajouter 10 000 places « au plus sacrant » please contact me for the protest in the region of Outaouais (Gatineau)
Best regards
Jing Ping Tang 819 328 6267
Bonjour chers médias,
AVIS AUX MÉDIAS MANIFESTATION MASSIVE
Québec garderies non-subventionnés se mobilisent ENSEMBLE pour dénoncer les inégalités entre les services de garde éducatif au Québec: Universalité = $8 .5 pour tout nos enfants & Égalité pour nos éducatrices !!!
Le 10 novembre 2021
Heure : 8h00 à 9h00
Lieu : Devant le Bureau du Ministre M. Lacombe à 564 Buckingham, Gatineau, QC. J8L 2H1
Avis est donné que :
Les parents, leurs enfants, éducatrices et propriétaire des garderies non-subventionnés (GNS) dans la région de l’Outaouais; se mobilisent ENSEMBLE pour dénoncer les inégalités entre les services de garde éducatif au Québec. En Outaouais, ce sont 53 garderies non subventionnées (GNS) qui offrent 2721 places à 4000 parents et qui assurent un emploi pour 700 employés.
C’est lors d’une manifestation pacifiste et colorée au rythme d’une ambiance Hawaïenne que
les familles et les équipes des garderies revendiquent :
– une équité dans le système pour les garderies non subventionnées,
– In tarif unique et abordable à 8,50$ pour tous les enfants du Québec afin de réaliser l’égalité des chances.
– la conversion massive et rapide de toutes les garderies privées en garderies subventionnées pour soulager le fardeau financier qui pèsent lourd sur les épaules des familles,
– subventionner les services que les garderies privées (GNS) qui eux paient de leurs propres poches pour accueillir et répondre aux besoins des enfants ayant des besoins particuliers.
– des conditions salariales et des régimes de pension équitables pour les éducatrices du réseau non subventionné.
C’est ainsi que nous vous invitons à couvrir en son et en image cette manifestation afin de téléviser notre manifestation. Venez recueillir des avis de parents, des éducatrices et des propriétaires.
C’est un RDV à ne pas manquer pour porter haut et fort la voix citoyenne qui d’unie pour l’intérêt des tout petits.
Merci
Contact info:
Garederie Ami Calin
Mme Jing Ping Tang
819 328 6267 et 819 503 3632
writejpt@yahoo.com