
Un conseil général, deux manchettes, le même chef intérimaire souriant.
La première vantant les mérites d’une constitution « libérale » pour contrer les politiques « péquistes-caquistes ».
La seconde appelant les Québécois anglophones à passer « à l’offensive ». (Contre qui?)
Le comité de relance du PLQ s’est farci de longs mois de travaux pour arriver à des propositions qu’il a voulues le plus rassembleuses possible. Apparemment, tout le monde n’a pas eu le mémo.
Le projet de constitution du Québec n’est pas le plus inspirant, le plus réaliste, ou même le plus utile – ça resterait une loi ordinaire facile à changer, comme la Charte québécoise –, mais il vise au moins à présenter « un projet inclusif autour duquel les Québécois pourraient s’identifier et se référer ».
Deux jours ont suffi pour que Marc Tanguay, le chef intérimaire du PLQ, présente la chose comme un projet « libéral » pour s’opposer aux « péquistes-caquistes ».
On peut en rire ou en pleurer, selon notre appréciation actuelle du Parti libéral.
En faisant du projet de constitution un cri de ralliement partisan, Tanguay montre qu’il ne comprend pas ce qu’est une constitution ni ce que le comité de relance de son parti veut en faire : une sorte de contrat politique commun, au-delà de nos allégeances politiques.
Oubliez ça, ce sera une constitution « libérale », et les « péquistes-caquistes » n’auront qu’à se faire la leur.
Le chef intérimaire ne semble pas non plus saisir la situation réelle de son parti. (C’est probablement plus difficile quand on représente une circonscription qui vote rouge depuis 40 ans, même après s’être fait infliger Tony Tomassi.)
Il faut être sérieusement déconnecté pour penser qu’en 2023, « libéral » est un qualificatif formidable dans la population en général, et que « caquiste » ou « péquiste » sont des insultes. Les deux partis mangent le PLQ dans les intentions de vote et le PQ, en particulier, vient de remporter une victoire éclatante… dans une ancienne forteresse libérale.
Ça donne une idée de l’attrait actuel de la marque.
Si on demandait demain matin aux Québécois de choisir entre un projet de constitution « libérale » et des politiques « péquistes-caquistes », il y a de maudites bonnes chances qu’ils choisissent les secondes.
Comme les hautes instances du PLQ ont décidé que le nouveau chef n’entrera en poste qu’au printemps 2025, l’intérim de Marc Tanguay va se poursuivre au-delà de ses rêves les plus fous.
Les titreurs et les caricaturistes ne vont pas s’en plaindre, et Infoman va avoir des choix déchirants à faire pour sa revue de fin d’année.
Mais les militants et les autres députés libéraux pourraient trouver le temps long.
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Même si le chef intérimaire apparaît en photo, la manchette appelant nos concitoyens anglophones à passer à l’attaque ne provient pas de Marc Tanguay, mais d’Antoine Dionne Charest. Ça ne change pas grand-chose sur le fond, ni sur la manière, qui fait très PLQ 2012.
Il y a beaucoup de bons arguments pour critiquer la décision de la CAQ de doubler les droits de scolarité des universités anglophones pour les étudiants canadiens hors Québec – par exemple, l’appauvrissement pécunier et intellectuel de nos universités anglophones est-il la meilleure façon d’aider nos universités francophones –, mais était-ce vraiment nécessaire d’appeler à « l’offensive » des anglophones?
Après tout, on reproche souvent à François Legault de dresser les Québécois les uns contre les autres. Peut-être serait-il mieux de ne pas lui donner raison.
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Les explications justifiant une course à la direction tardive sont étonnantes. Une course suivie d’un congrès au printemps 2025, possiblement en mai ou en juin, laisseront peu de temps à la nouvelle ou au nouveau chef pour s’installer avant les élections de l’automne 2026.
On comprend de vouloir éviter un deuxième couronnement de suite. Mais en plaidant pour un report de la course faute de participants, on confond peut-être la cause et l’effet.
Un député siégeant à l’Assemblée nationale a relativement peu à perdre en annonçant à l’avance une candidature qu’il pourra conjuguer avec son travail de député. En fait, c’est tout à son avantage d’ouvrir son jeu rapidement et de chercher des appuis dans le parti et autour.
Pour un candidat externe, c’est l’inverse, à moins d’être indépendant de fortune.
Tous les commentateurs et communicateurs savent qu’ils risquent l’exclusion professionnelle s’ils se lancent dans une démarche partisane.
Idem pour ceux qui gravitent dans la fonction publique ou la périphérie générale de l’État. Même dans les cas où les règles professionnelles ne font pas explicitement obstacle, il pourrait devenir rapidement invivable d’afficher une affiliation politique, à plus forte raison pour les libéraux.
Et si la communauté d’affaires a longtemps été un terreau fertile pour le PLQ, la balance penche maintenant du côté de la CAQ. Peu d’entrepreneurs espérant profiter des largesses du ministère de l’Économie voudront signaler un an d’avance à « Fitz » qu’ils comptent diriger l’opposition officielle.
En optant pour une course tardive, le PLQ donne une seconde chance à ses propres députés, dont certains pensent déjà à reconsidérer leur décision. Par contre, cela peut encore repousser des candidatures externes qui pourraient administrer l’électrochoc nécessaire, mais qui ont trop à perdre à s’annoncer longtemps d’avance.
Ce n’est certainement pas idéal de déclencher une course avec un seul candidat déclaré, mais ce scénario sera encore pire s’il se répète dans quinze mois.
De façon plus large, le report à la mi-2025 pour l’entrée en scène d’une ou d’un nouveau chef montre encore une fois à quel point certains dirigeants, employés et députés du PLQ sous-estiment l’ampleur des problèmes du parti.
Comme s’il suffisait d’un nouveau visage pour que le miracle s’accomplisse. Comme s’il n’y avait aucun enjeu avec l’offre politique actuelle du PLQ, et la façon dont elle s’est articulée ces dernières années, autant à l’Assemblée nationale qu’hors du Salon bleu.
Le travail de reconstruction requis est colossal, et le risque de jouer le calendrier est énorme.
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Beaucoup de choses auront changé d’ici le printemps 2025. Québec solidaire aura une nouvelle co-porte-parole – possiblement la populaire et modérée Christine Labrie. Le PQ va poursuivre patiemment son travail de reconstruction avec une équipe peu nombreuse mais de haut calibre, et à laquelle vient de s’ajouter un joueur étoile. La CAQ aura eu dix-huit longs mois pour expier ses péchés et faire de nouvelles promesses, avec tous les leviers du gouvernement à sa disposition. Même le PCQ, tenace, devrait trouver une façon de rester dans le portrait.
Le PLQ, qui sera toujours sans chef, vient de s’assurer de faire du surplace d’ici là, pendant que tous ses adversaires vont avancer.
C’est sans compter l’état dans lequel se trouveront le caucus et le parti si la course devait mener à un réel brassage d’idées et de personnel. Bonne chance.
L’ancienne ministre Lucie Charlebois a beau défendre le report de la course à la chefferie en assurant que « quand arrivera l’élection générale, on va être là et on va la gagner », il faut vraiment avoir la foi pour y voir une stratégie gagnante.
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Catégories :Démocratie, Politique
Constitution Libérale ou Québécoise, course à la chefferie hâtive ou tardive, je ne vois aucune stratégie qui permette de croire que le parti Libéral ne sera pas toujours en train de se battre contre la marge d’erreur chez les francophones en 2025.
Faudrait premièrement que le PLQ se rappelle c’est quoi être libéral et se positionner en conséquence. Si le PLQ ne se contente que de copier les autres partis pour essayer de ramasser des électeurs, le fond du baril ne sera pas seulement atteint, mais carrément défoncé.