Trudeau a gagné, point barre

Photo tirée de la page Facebook de Justin Trudeau

C’est étonnant de lire les manchettes et d’écouter les commentateurs politiques en ce lendemain d’élections.

« Trudeau affaibli ». « Trudeau a perdu son pari ».

Tout ce que les élections ont montré, c’est que M. Trudeau et son parti vont être difficiles à battre pour le futur envisageable.

Pensons-y un peu.

Six ans de pouvoir.

Une pluie de scandales éthiques.

Des engagements fondamentaux non respectés.

Une gestion des frontières déficiente pendant la pandémie.

Des projets de loi abandonnés, au risque de ne jamais être adoptés.

Un financement national des services de garde mis inutilement en péril.

Des élections anticipées que personne ne demandait, alors que le parlement fonctionnait sans problème et sans vote de défiance en vue.

Un début de campagne sans plateforme électorale, comme si le PLC lui-même ne savait pas pourquoi il avait déclenché des élections, à part pour la réponse évidente.

Malgré tout ça, M. Trudeau a gagné.

Il a formé un gouvernement avec le plus petit pourcentage de voix jamais obtenu pour un parti ayant remporté les élections depuis la Confédération, mais il a gagné quand même.

Et il vient de redonner quatre ans au pouvoir à son parti, avec la possibilité de repartir en élections si une nouvelle fenêtre devait s’ouvrir.

Je connais au moins quatre autres chef(fe)s de partis fédéraux qui auraient aimé « perdre » comme ça.

Le Parti libéral est minoritaire? Et puis? Cinq des sept derniers gouvernements l’ont été, et les prochains risquent de l’être aussi.

L’électorat canadien est fractionné en blocs régionaux. Bienvenue en 1993

Les vrais perdants : les conservateurs

Ceux qui ont vraiment perdu hier, ce sont les conservateurs. Ils ont eu 270 000 votes de plus que les libéraux. L’écart est encore plus grand qu’en 2019. Ils ont perdu quand même.

Au Canada, on peut avoir le plus grand nombre de votes et perdre quand même. Surtout si on est le Parti conservateur.

Au Canada, le centre politique est maintenant au centre-gauche.

Si les conservateurs se tassent à droite, ils perdent le centre, comme en 2019, avec Andrew Scheer.

S’ils se rapprochent du centre, ils perdent la droite, comme c’est arrivé cette année. Ça aurait peut-être été différent sans le Parti populaire de Maxime Bernier. Mais PPC est là, et il ne partira pas.

Les conservateurs sont coincés.

Ça va être encore possible pour des conservateurs de remporter des élections provinciales, d’autant plus que le mot « progressiste » est encore dans le nom de la plupart des partis conservateurs provinciaux.

Mais au fédéral, ça risque de devenir plus difficile.

Bien sûr, parce que notre mode de scrutin produit des résultats injustes, qui profitent habituellement aux libéraux. Qu’on aime ou pas les conservateurs, ça fait deux fois de suite qu’ils gagnent le vote populaire et perdent l’élection.

Mais aussi parce que de moins en moins de Canadiens se reconnaissent dans un parti qui semble tenir davantage aux fusils qu’à l’environnement, et qui abrite encore une frange antiavortement.

Ça a fonctionné un temps avec un chef conservateur exceptionnellement compétent et aguerri (Harper), et faisant face à un Parti libéral en lambeaux, dans la foulée des commandites.

Et qui a ramené les électeurs québécois au PLC après les commandites? Pas Paul Martin. Pas Michael Ignatieff. Pas Stéphane Dion.

Justin Trudeau.

***

Même au Québec, l’appel de M. Legault à ne surtout pas voter libéral (ou NPD) a été ignoré.

Le Parti libéral a obtenu 33 % des voix, plus que tout autre parti au Québec. Plus que le Bloc. Plus que les conservateurs et le NPD… mis ensemble!

Pour donner une idée de la force du PLC au Québec, le Parti libéral provincial obtient moitié moins d’appuis dans les sondages récents…

Malgré les bourdes et le bilan contestable, à l’échelle fédérale, sous Justin Trudeau, le Parti libéral demeure la plus grande force politique au Québec. C’est vrai aussi dans le reste du Canada, à l’exception des Prairies – qui représentent moins d’un cinquième de la population du pays.

Malgré les carences de M. Trudeau, sur le plan individuel, sur le plancher des vaches, aucun autre chef de parti ne connecte autant avec l’électorat.

Oubliez les cailloux lancés par des frustrés, le premier ministre ne manque jamais de volontaires pour prendre des selfies. Et ses députés le savent.

Si le PLC se remet sur les rails, évite simplement de trop se tirer dans le pied et ne gouverne qu’avec une moitié de compétence, il sera difficile à déloger.

Va-t-il y avoir des jeux de coulisses au PLC? Sans doute. Est-ce que certains ministres libéraux se voient dans la chaise de leur patron en 2025. Bien sûr.

M. Trudeau va leur répondre que ça fait trois fois de suite qu’il gagne. Ça pourrait tempérer bien des ardeurs.

Est-ce sain qu’un parti politique puisse se sentir assuré de gagner quoiqu’il arrive, et que deux tiers des Canadiens soient toujours exclus du gouvernement? C’est une autre histoire.

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Catégories :Démocratie

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